Tourisme & montagne
“Lorsqu’on fait le choix de se nourrir de l’expérience des montagnes, il faut faire le deuil de posséder le monde”
Une montagne contrastée qui rythme ma vie.
Les contrastes sont constants sur les versants des montagnes, la terre chaude des ubacs côtoient à quelques mètres les couloirs verglacés d’une face nord.
Multitude d’adaptation de la flore et de la faune qui vit la montagne au grés des saisons.
Depuis mon enfance j’éprouve ces variations de lumières, de températures sur les montagnes qui entourent mon village de la Clusaz.
Les surplombs sombres de calcaire m’ont parfois terrorisé, l’épaisse poudreuse m’a souvent enveloppé comme un coussin douillet, les raides alpages roussis d’automne étaient une invitation pour reprendre mon souffle.
Ce monde minéral et vertigineux restera le métronome qui rythme ma vie, parfois très pentu pour sentir l’acide lactique me tétaniser les cuisses, ou suffisamment haut pour contempler les lueurs du crépuscule sur la chaîne des Aravis.
Il m’a fallu du temps pour comprendre ce qu’offrent ces arides plissements de sédiments. Une richesse d’émerveillement tellement coûteuse d’énergie.
Toujours idiot de se voir suffocant face à un vieux bouc que l’on dérange en pleine sieste.
Pas de culpabilité pour ce tourisme musculaire qui fonctionne au glucide.
Une énergie qui pèse aussi son poids carbone. L’accès en transport à ces montagnes participe évidemment à la consommation d’énergie fossiles, mais au regard des heures de marche, de grimpe et d’épanouissement à la sueur de nos muscles, cette activité reste légitime comparée à toutes autres activités humaines.
En essayant de calculer le bilan carbone de mes voyages, chacun pourra décider de l’empreinte annuelle qu’il décide de laisser. Mes enfants m’aident à modifier ma vision du monde, mais je résiste à l’accélération de la culpabilité ambiante, préférant les modifications structurelles politiques plutôt qu’une injonction au « flygskam » suédois.
Un héritage à transmettre à mes clients.
Lorsqu’on fait le choix de se nourrir de l’expérience des montagnes, il faut faire le deuil de posséder le monde. Le dépouillement que l’on ressent en organisant son sac, la frugalité d’un casse-croûte accroché à une vire rocheuse, ou notre vulnérabilité protégée par notre fine gore-tex sont des expériences plus puissantes qu’un débat d’expert sur le recyclage de nos poubelles.
Je vous invite donc à cet enchantement montagnard, un tourisme que j’essaie de faire en respect avec mon héritage maternel.
Mon grand-père installait la lumière dans les vallées de la Clusaz, je poursuis en tentant de faire scintiller vos yeux.